Huis Clos, scène 5 (1944) Jean-Paul Sartre
Garcin abandonne Estelle et fait quelques pas dans la pièce. Il sapproche du bronze. Garcin Le bronze (Il le caresse.) Eh bien, voici le moment. Le bronze est là, je le contemple et je comprends que je suis en enfer. Je vous dis que tout était prévu. Ils avaient prévu que je me tiendrais devant cette cheminée, pressant mes mains sur ce bronze, avec tous ces regards sur moi. Tous ces regards qui me mangent (Il se retourne brusquement.) Ha ! vous nêtes que deux ? Je vous croyais beaucoup plus nombreuses. (Il rit.) Alors, cest ça lenfer. Je naurais jamais cru Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril Ah ! quelle plaisanterie. Pas besoin de gril : lenfer, cest les Autres.
Estelle Mon amour !
Garcin, la repoussant. Laisse-moi. Elle est entre nous. Je ne peux pas taimer quand elle me voit.
Estelle Ha ! Eh bien, elle ne nous verra plus.
Elle prend le coupe-papier sur la table, se précipite sur Inès et lui porte plusieurs coups.
Inès, se débattant et riant. Quest-ce que tu fais, quest-ce que tu fais, tu es folle ? Tu sais bien que je suis morte.
Estelle Morte ?
Elle laisse tomber le couteau. Un temps. Inès ramasse le couteau et sen frappe avec rage.
Inès Morte ! Morte ! Morte ! Ni le couteau, ni le poison, ni la corde. Cest déjà fait, comprends-tu ? Et nous sommes ensemble pour toujours.
Elle rit.
Estelle, éclatant de rire. Pour toujours, mon Dieu que cest drôle ! Pour toujours !
Garcin, rit en les regardant toutes deux. Pour toujours !
Ils tombent assis, chacun sur son canapé. Un long silence. Ils cessent de rire et se regardent. Garcin se lève. Garcin Eh bien, continuons. Rideau |
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